L’informatique à Grenoble
Inventer la formation
Dans les années 1950, pour la formation à la discipline naissante de l'informatique, tout est à inventer, à commencer par la formation des formateurs. À Grenoble, les cours de mathématiques appliquées de Jean Kuntzmann sont complétés par des travaux pratiques, initialement effectués à l'aide de calculatrices de bureau, sous la direction de Jean Laborde. À partir de 1952, un calculateur analogique SEA OME 12 permet de traiter l'intégration d'équations différentielles et d'équations aux dérivées partielles. Mais la transition vers l'informatique reste à accomplir.
Le Laboratoire de calcul n'avait pas initialement d'ordinateur et utilisait ceux de ses partenaires industriels. C'est ainsi que le premier cours de programmation fut donné en 1956 par M. Sollaud, ingénieur à la société Normacem de Lyon, sur le calculateur Bull Gamma 3 muni d'une extension permettant d'introduire un programme sur cartes, au lieu d'utiliser le tableau de connexion. Les cours avaient lieu à Lyon le samedi matin. Louis Bolliet rappelle qu'il y avait 4 auditeurs : Jean Kuntzmann, Jean Laborde, Henri Rohrbach (élève ingénieur à l'IPG) et lui-même. L'année suivante, Sogreah s'équipa d'un IBM 650 et des cours de programmation eurent encore lieu sur cette machine.
Enfin, à partir de 1958, le Laboratoire de calcul possède son propre ordinateur, un Bull Gamma ET, qui sert aussi de support à l'enseignement de la programmation. Outre le code machine, les premiers langages utilisés sont Fortran et Cobol, Algol ne devant apparaître qu'un peu plus tard. Ci-contre (collection Aconit), des cartes utilisées pour le premier cours de programmation donné dès 1956-57 par Louis Bolliet sur Bull Gamma 3 et Gamma ET (cliquer sur l'image pour plus de détails).
Parmi les autres cours marquants, il faut citer :
- le cours "Calculateurs électroniques" donné par René Perret à partir de 1961-62 à l'EIEG (École des Ingénieurs Électroniciens de Grenoble, école de l'institut Polytechnique de Grenoble, ou IPG) ;
- le cours "Logique et programmation" donné par Bernard Vauquois à partir de 1959.
Jean Kuntzmann crée en 1956 une section spéciale "Mathématiques Appliquées" à l'institut Polytechnique de Grenoble. La première année, cette section n'a qu'un élève, Henri Rohrbach, qui obtient son diplôme avec la promotion suivante (5 étudiants) ; puis la croissance s'accélère. En 1960 est créée une section "normale" de Mathématiques appliquées, constituant une École d'ingénieurs à part entière, qui deviendra l'ENSIMAG. La première promotion, sortie en 1963, compte 13 élèves (photo ci-contre).
De gauche à droite : Alain Fischer, Philippe Verroest, Jean-Pierre Nigen, Philippe Jorrand, Claude Delobel, Charles Mandy, Claude Lecoeuvre, François Robert, André Eberhard, Alain Letulier, Absents le jour de la photo : Alain Colmerauer, Jean-Pierre Faingnaert et Bellec.
La section spéciale de Mathématiques appliquées (qui accueille des ingénieurs déjà diplômés dans un autre domaine), bientôt étendue à l'informatique, continuera de fonctionner jusqu'en 2012.
La formation continue avait démarré dès 1951 avec la Promotion Supérieure du Travail (PST). À partir de 1959, elle s'étend au calcul numérique, puis à l'informatique et devient un institut rattaché à l'université. Plus tard, celui-ci sera associé au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) et formera des ingénieurs en informatique.
Au début des années 1960 sont créées de nouvelles formations.
- DEST (diplôme d'études supérieures techniques) de programmation,
- licence de sciences appliquées comprenant un certificat de Techniques de la programmation,
- 3ème cycle de mathématiques appliquées et d'informatique.
Les enseignants, souvent issus de ces mêmes filières, ont alors peu d'avance sur leurs étudiants.
À partir de 1966, d'autres formations sont mises en place pour répondre à la demande croissante de professionnels qualifiés.